Après un rapport sur l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi) l’an dernier, pourquoi revenir cette année sur une autre administration liée au numérique, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (Dinsic) ?
Michel Canévet : J’ai travaillé comme rapporteur de la mission budgétaire « Direction de l’action du gouvernement », en cherchant à évaluer la stratégie, plus que d’examiner les comptes. Après avoir étudié les questions de cybersécurité, il m’a semblé important d’aller plus loin dans l’examen de la stratégie numérique de l’État.
Pour que l’administration évolue, il faut s’assurer que les conditions de sécurité et d’interopérabilité soient réunies. Trop souvent, les politiques ne s’intéressent pas à ces questions de « back office » et préfèrent aller vers des sujets qui trouvent un plus large écho dans le public. Pourtant, les politiques publiques ne peuvent fonctionner que si l’informatique suit.
Quelles préconisations formulez-vous pour améliorer la stratégie numérique au sein des services de l’État ?
Michel Canévet : L’État doit affirmer un peu plus sa stratégie de transformation numérique et il faut qu’il y ait une vraie coordination interministérielle. Elle est nécessaire pour faire des économies et éviter les loupés comme Louvois, le logiciel de paie des armées.
Il faut mettre de la cohérence dans l’organisation. Les personnels en charge de l’informatique et du numérique sont répartis dans les ministères, avec autant de cadres d’emploi qu’il y a de ministères. Il faut une homogénéisation des statuts, pour que ceux qui assurent des fonctions identiques aient le même niveau de rémunération. Le ministère de l’Intérieur a commencé ce travail, il faudrait que les autres ministères suivent.
Estimez-vous que la Dinsic a les moyens de mener à bien ses missions ?
Michel Canévet : Actuellement, la Dinsic n’a pas les moyens humains pour mener une véritable action interministérielle. Ses effectifs, une centaine de personnes, doivent être renforcés, mais cela devra se faire à effectifs constants, par redéploiement des agents en poste, qui passeraient des ministères à la Dinsic.
Elle contrôle les projets informatiques des ministères, qui doivent lui demander son avis sur tous les projets supérieurs à 9 millions d’euros. Je propose que ce dispositif soit étendu aux opérateurs de l’État.
Pour ses autres missions, comme le développement de l’open data, les choses se passent plutôt bien, et le site data. gouv.fr est un vrai succès. L’incubateur de projets est aussi une très bonne idée. En tant qu’élu local, j’ai été très intéressé par l’application « marché public simplifié » qui permet aux entreprises de candidater aux marchés publics en donnant simplement leurs coordonnées.
Existe-t-il des freins ou des réticences à cette évolution ?
Michel Canévet : Les résistances commencent à s’estomper. Des réunions régulières des responsables des services informatiques des ministères ont lieu. Mais ce sera long à venir, car sur les 18 000 agents concernés, un tiers sont au ministère de l’Intérieur et un autre tiers à Bercy, qui sont quasiment des États dans l’État. Il serait peut-être nécessaire de mettre en place une coordination interne à ces grands ministères avant de passer à l’échelon supérieur de l’interministériel.
Je pense que tous ont à gagner à mutualiser ce qui peut l’être. L’État fait souvent appel à des prestataires privés, sans avoir la capacité, en interne, de suivre la mise en œuvre et la maintenance. L’un des buts des redéploiements est de disposer des ressources à même d’assurer la maintenance de systèmes informatiques complexes. Ce serait une source d’économie importante.