Tribune « Oui, la filière pêche a de l’avenir chez nous. »
22 février 2023
Tribune « Oui, la filière pêche a de l’avenir chez nous. »
Liliana TANGUY – Députée
Michel CANEVET – Sénateur
Le Plan d’Accompagnement Individuel (PAI) annoncé par le Gouvernement impacte fortement la flottille du pays Bigouden au niveau des hauturiers qui pratiquaient tout ou partie de leur activité de pêche dans les eaux britanniques.
C’est cela qui a conduit la Commission européenne à autoriser les états membres de l’UE à financer, sur des fonds européens, le retrait de navires de pêche. Comptant plus de 43% du total des 2 860 navires de pêche français aujourd’hui, nous savions que la Bretagne serait impactée dans ce plan de sortie de flotte. 64 demandes de sortie de navires ont été adressées par les armateurs bretons pour 45 navires qui seraient retenus. Il s’agit donc bien d’une démarche menée par les armateurs, qu’ils soient pêcheurs artisans ou responsables d’armements à la pêche.
Nous le regrettons, mais les réalités économiques, elles existent même si certains ne veulent pas l’entendre, les obligeant à saisir les opportunités, nous l’espérons pour mieux rebondir.
Cela est possible car le secrétaire d’état à la mer Hervé Berville, devant les professionnels de la filière pêche et les élus du pays Bigouden lors de sa visite au port du Guilvinec, a rappelé que 70% des quotas de pêche des bateaux concernés par le PAI reviennent à l’Organisation de Producteurs (OP). Cela doit permettre de maintenir une activité très significative dans nos ports
De multiples facteurs expliquent la situation actuelle. En décembre dernier, nous (députée et sénateur) avons rencontré, successivement, les principaux armateurs à la pêche du pays Bigouden afin, par un dialogue direct avec eux, de bien comprendre et partager les enjeux futurs de la filière. Nous avons également reçu, en début d’année, d’autres acteurs locaux du secteur de la construction navale et du mareyage pour évoquer les solutions permettant d’assurer l’avenir de l’ensemble de la filière.
Tout d’abord, le manque de marins ne permet pas de faire sortir tous les navires, puisque plusieurs de ceux qui figurent dans le PAI sont à quai depuis de nombreux mois. Même l’appoint de marins étrangers n’a pas suffi jusqu’à présent : il y a donc un effort collectif à réaliser pour attirer des jeunes vers ces métiers, car on gagne bien sa vie à la pêche. Cela suppose de ne pas sombrer dans la sinistrose, de promouvoir les métiers, de permettre à des jeunes ou des adultes en reconversion de faire quelques marées pour tester le métier et l’aptitude à la mer. Cela implique également que la région Bretagne, responsable du lycée maritime du Guilvinec /Léchiagat-Treffiagat, y réalise des investissements pour l’accessibilité et l’hébergement des jeunes et des stagiaires.
Ensuite, il y a la question du prix du carburant : le Gouvernement a accompagné, bien au-delà de ce qui est fait pour chacun d’entre nous, la consommation de carburant par une subvention au litre, qui se poursuit parce que nous avons insisté pour cela auprès du Gouvernement, avec les professionnels. Mais, comme ce subventionnement ne peut perdurer indéfiniment, nous devons aussi réduire la dépendance du secteur aux énergies fossiles en trouvant rapidement des solutions technologiques permettant de s’orienter vers la décarbonation des navires. Le Ministre a déjà annoncé des enveloppes financières pour accompagner les projets : nous appuierons les initiatives en ce sens.
Nous soutenons également le Gouvernement et le président de la commission pêche au parlement européen, Pierre Karleskind, pour l’obtention des quotas de pêche et souhaitons la pluri annualité des quotas afin de donner de la visibilité aux pêcheurs.
L’accompagnement de cette transition vers la décarbonation nécessite de trouver d’autres moyens financiers permettant d’assurer le fonctionnement actuel des navires de pêche. C’est pourquoi, dès sa réélection en juin 2022, Liliana Tanguy a alerté la Première Ministre, Elisabeth Borne, sur les difficultés des pêcheurs du quartier du Guilvinec en proposant à Matignon un mécanisme de compensation du prix du gazole basé sur une contribution volontaire de la filière aval (dispositif présenté à l’initiative de Stéphane Pochic, patron d’armement à Loctudy). En décembre 2022, nous avons chacun proposé, dans le cadre du Projet de loi de finances rectificative, d’instituer une taxe sur les produits de la pêche maritime, au taux de 2%, perçue au profit de France Filière Pêche. Face au coût du carburant qui pèse fortement sur les charges d’exploitation de nombreux armements, il nous paraît, en effet, indispensable que s’exerce la solidarité au sein de la filière en instaurant une contribution volontaire obligatoire des distributeurs au bénéfice des pêcheurs.
Se pose également la question de la ressource halieutique : à ceux qui décrient l’Europe, nous disons « heureusement qu’elle se préoccupe des poissons », car ceux-ci n’ont pas de frontières, et si le continent britannique était si prisé, c’est parce que les eaux y sont très poissonneuses. Avec le Brexit, décidé par les britanniques eux-mêmes, rappelons-nous bien, l’accès à ces zones de pêche sont devenues plus difficiles, mais la négociation menée par le Gouvernement nous a permis de retrouver un grand nombre de licences de pêche. Nous savons que c’est par une gestion organisée que les stocks de poissons se renouvelleront et que nous pourrons en disposer pour nos enfants. Reste que le prix du poisson n’est pas toujours assez bien rémunéré. Quand on a vu, lors des fêtes de décembre dernier, le prix de la lotte, principal poisson pêché dans les ports Bigoudens, à 3€ le kg, il y a des efforts à faire pour faire connaître ce produit et mieux le valoriser. Le consommateur, par son acte d’achat, peut également influer sur le cours des produits de la mer et favoriser le poisson de pêche française.
Reste aussi, sur ce sujet des poissons, à intégrer les attentes sociétales, de respect des espèces et de la biodiversité. Les ONG sont très présentes dans le débat sur la pêche, parce que beaucoup de nos concitoyens sont mobilisés pour la préservation de la diversité animale sur la planète, y compris dans les océans. C’est le sens des discussions internationales pour sanctuariser 30% des océans et éviter que le pillage des ressources ne dégrade les stocks halieutiques. Cela doit nous permettre aussi d’assurer l’avenir de la pêche, en même temps que de lutter contre le réchauffement climatique, qui risque de modifier les espèces.
Enfin, il y a les sujets du renouvellement des flottilles et de l’installation de nouveaux patrons de pêche. Le coût des investissements est tel que c’est un réel frein à l’amélioration des outils de travail. C’est pourquoi nous souhaitons que la mobilisation du maximum d’épargne puisse s’effectuer afin de favoriser l’installation de jeunes, de conserver chez nous les navires dont les patrons partent à la retraite. Comme les Bigouden Makers ont su le faire pour transformer l’hôtel de Bretagne, l’épargne disponible des bigoudens, attachés au dynamisme de la pêche, pourrait s’orienter en partie vers la construction de bateaux neufs. Nous appelons également, et espérons que les Comités des Pêches l’inciteront, les patrons pêcheurs et armements ayant bénéficié du PAI, s’élevant à 20 millions d’euros de fonds publics injectés sur le territoire, à réinvestir dans l’économie locale afin de sauver les emplois et préserver l’identité du pays Bigouden.
Interrogé le 14 février dernier par la députée Liliana Tanguy sur les conséquences du PAI, Hervé Berville a répondu en réaffirmant la transparence concernant la réattribution des quotas et droits de pêches, la préservation des équilibres entre les ports et, surtout, l’importance de continuer à investir pour développer la pêche, secteur essentiel pour la souveraineté alimentaire française.
A ces conditions, nous sommes persuadés que le pays Bigouden et la Bretagne continueront à être les lieux emblématiques de la pêche française et confirmer, ainsi, l’ambition maritime de la France.
Publié le 22 février 2023, dans Actualités, Agriculture et pêche, Communiqués de presse. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
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